Lors de la Journée mondiale de l’alimentation, les peuples autochtones et les communautés locales se mobilisent pour revendiquer leurs droits fonciers
Des milliers de personnes se joignent aux défenseurs des communautés au Kenya, au Myanmar, au Pérou, en Ouganda, au Guatemala, en Indonésie, en Australie, et dans au moins 18 autres pays pour appeler les gouvernements à sécuriser leurs droits à la terre, qui forment la base de la sécurité alimentaire mondiale et aident l’atténuation du changement climatique
ROME, ITALIE (15 octobre, 2018) — Les peuples autochtones, les communautés locales, les groupes de femmes, les citoyens et les militants venus d’au moins 25 pays lancent aujourd’hui deux semaines d’évènements et des actions publiques pour exiger le respect de leurs droits fonciers par les gouvernements. Une nouvelle note de politique met en exergue le lien entre la reconnaissance des droits fonciers communautaires et la garantie de la sécurité alimentaire mondiale et la préservation du climat.
“Les communautés du monde entier dépendent de leurs terres coutumières pour nourrir leurs familles. Leurs terres contribuent également à nourrir le monde, et leurs forêts régulent le climat sur lequel repose la sécurité alimentaire mondiale. Cependant, le système alimentaire mondial est profondément lié au phénomène d’accaparement des terres, et l’industrie agroalimentaire est le secteur le plus dangereux pour les activistes“, a affirmé Joan Carling, membre du conseil consultatif de Land Rights Now et lauréate du prix “Champions de la terre”, la plus grande distinction des Nations Unies en matière de défense de l’environnement, pour l’ensemble de ses réalisations. “Nous invitons les gouvernements à reconnaitre et sécuriser ces droits fonciers, et appelons les consommateurs à prendre conscience des impacts de leurs achats sur les populations locales et sur les ressources dont nous dépendons tous“.
Aujourd’hui, le peuple Ogiek au Kenya, le peuple Acholi en Ouganda, le peuple Shipibo au Pérou et beaucoup d’autres communautés des quatre coins du monde se sont levées pour la reconnaissance de leurs droits. Ces actions font partie de la campagne Land Rights Now lancée en mars 2016 afin de doubler la superficie des terres appartenant et contrôlées par les peuples autochtones et les communautés locales par 2020, et qui regroupe maintenant plus de 800 organisations et groupements.
“Les peuples ont le pouvoir d’amener leurs gouvernements à apporter du changement“, a déclaré Luca Miggiano, responsable de campagne avec Oxfam. “Cette mobilisation s’agit des citoyens du monde entier qui se lèvent avec les peuples autochtones et les communautés locales pour la défense de leurs droits et pour célébrer leurs contributions à la sécurité alimentaire et la justice dans le monde. Nous entendons une seule voix à travers tous les continents : les droits fonciers sont les droits à l’alimentation.”
En grande partie, les gouvernements n’ont pas reconnu ces droits : bien que les peuples autochtones et les communautés locales détiennent des droits coutumiers sur la moitié des terres dans le monde, ils n’ont de droits officiellement reconnus que sur 10 % de ces terres. Cet écart laisse les terres communautaires vulnérables à l’expropriation pour des projets agricoles, miniers ou infrastructurels à grande échelle qui bénéficient moins de personnes et qui sont plus néfastes pour l’environnement que l’utilisation faite par les communautés locales. Selon le Land Matrix, au moins 49 millions d’hectares dans le monde ont fait l’objet d’acquisitions foncières à grande échelle au cours de la dernière décennie. Ces acquisitions sont largement motivées par la demande des consommateurs à l’alimentation ou de l’énergie bon marché, surtout pour l’huile de palme (6 millions ha), le jatropha (2,4 millions ha) et la canne à sucre (1,9 million ha).
Les petits producteurs de denrées alimentaires fournissent 70% de l’alimentation mondiale. Les recherches ont montré que la production alimentaire à petite échelle en Afrique et en Asie est plus efficace et génère des rendements bien plus élevés par hectare que les exploitations intensives. La sécurisation des droits fonciers permet également de stimuler la productivité des paysans de 60% et de doubler les revenus des ménages. Les droits fonciers des femmes sont particulièrement importants du fait de leur rôle capital dans les efforts de sécurité alimentaire au niveau local et dans la gestion des ressources communautaires.
La gestion communautaire des terres permet également de réguler le climat qui favorise la production alimentaire mondiale. Les communautés ont réussi à sauvegarder plusieurs forêts du monde pendant des générations. Des recherches ont montré que les terres stockent des quantités énormes de carbone (au moins 300 milliards de tonnes) et que la sécurisation des droits fonciers entraine une diminution des taux de déforestation et une augmentation des taux de stockage de carbone. Au moins un tiers du carbone stocké dans les forêts communautaires dans les tropiques et les sous-tropiques est dans des terres qui ne sont pas officiellement reconnues, ce qui les laisse vulnérables aux accaparements de terres qui compromettent leurs moyens de subsistance, dévastent l’environnement et détruisent les sources locales de nourriture.
Des évènements sont prévus dans au moins 25 pays, au cours desquels les citoyens et les communautés se rassemblent pour parler de l’alimentation et des droits fonciers, et ceux qui sont le plus affectés par le phénomène d’accaparement de terres se font entendre. Ces évènements comprennent :
- L’Alliance des peuples autochtones du Cambodge qui anime une émission radio, des expositions et des dialogues avec les parlementaires et autres acteurs ;
- La fundación nativo qui organise un évènement de sensibilisation à Caracas, au Venezuela ;
- El Colectivo para las culturas originarias au Mexique qui organise une démonstration de recettes culinaires et ingrédients locaux avec des cuisiniers Otomí.
Kenya: Après une victoire devant les tribunaux, le peuple Ogiek attend toujours que la justice soit rendu
Malgré une décision historique en 2017 de la Cour Africaine des droits de l’homme et des peuples désignant les peuples Ogiek comme étant les propriétaires légitimes de la forêt Mau au Kenya, le gouvernement n’a toujours pas restitué leurs terres.
Près de 40.000 membres de la communauté Ogiek vivent dans la forêt Mau au Kenya, qui est leur source d’alimentation, de revenus, de médicaments, d’habitat et de sites culturels. Ils ont jusqu’ici agi comme gardiens de ces terres pendant des générations, et pourtant ils subissent l’invasion de ces terres par d’exploitation forestière, des plantations de thé, et par des implantations illégales. Des milliers ont été expulsés de force de leurs foyers.
“La décision de la Cour était une lueur d’espoir, pas uniquement pour les Ogieks, mais pour les peuples autochtones dans tout le pays, voire dans toute la sous-région“, a déclaré Daniel Kobei, Directeur exécutif du Programme de développement des peuples Ogiek. “Cependant, le gouvernement tarde à mettre en œuvre cette décision. Nous sommes toujours expulsés de nos maisons. Nous sommes toujours évincés de nos forêts coutumiers“.
Les peuples autochtones et les communautés locales s’unissent pour une mobilisation mondiale
Ces actions aujourd’hui font partie d’un mouvement en pleine expansion lancé par les communautés autochtones et locales du monde entier pour réclamer le respect de leurs droits et se faire entendre, et soulignant leur rôle dans la lutte mondiale contre la crise climatique.
“Land Rights Now est un appel unifiant pour le respect des droits de près de 2,5 milliards de personnes dans le monde qui dépendent des terres communautaires. Ces droits sont essentiels pour la sécurité alimentaire mondiale et pour la lutte contre le changement climatique. Malgré des risques énormes, les peuples autochtones et les communautés locales se font entendre et agissent pour défendre leurs droits et pour protéger les ressources dont nous dépendons tous. Il est temps que le monde les écoute,” a déclaré Mme Carling.
Plus d’information:
Jamie Kalliongis: jkalliongis@rightsandresources.org; +1 314 651 7497
Land Rights Now est une campagne internationale qui vise à sécuriser les droits fonciers autochtones et communautaires dans le monde. Depuis son lancement en mars 2016, plus de 800 organisations et des milliers d’individus de tous les coins du monde ont rejoint la campagne. Veuillez visiter le site : www.landrightsnow.org